Description de la technique
Verre filigrané est la traduction en français du vieux terme vénitien “vetro a filigrana”; cette appellation recouvre un ensemble de variétés de verre soufflé transparent dans lequel sont incorporées des fils de verre étiré ( “canne”) de couleur blanche ou de diverses couleurs. “Latticino” ou “Latticinio” est un terme italien tombé en désuétude qui désigne également le “vetro a filigrana”. On distingue sous ce terme générique trois catégories de décors aux graphismes différents : le “vetro a fili” où les “cannes” forment des lignes parallèles, le “vetro a retorti” dans lequel elles sont préalablement tordues en spirales et le “vetro a reticello “dans lequel elles s’entrecroisent pour former une résille, délicat filet dans lequel sont emprisonnées de minuscules bulles d’air.
Pour réaliser le “vetro a fili”, le verrier dispose méthodiquement les baguettes de verre sur un support métallique ou en céramique et les réchauffe afin de les amollir, puis il les prélève au bout de sa canne avec parfois une paraison de verre transparent qu’il fait rouler sur la préparation pour englober le tout ; après réchauffage, la paraison initiale sera de nouveau soufflée et travaillée. Les “canne” peuvent être disposées à intervalles réguliers et espacés, en utilisant un support rainuré, ou bien elles peuvent être placées de manière jointive, en utilisant un support plat. Pour réussir le réseau du “vetro a reticello”, il est fait appel au moins à deux verriers qui doivent faire preuve d’une grande coordination et d’une extrême adresse. Un premier verrier prélève des baguettes disposées sur une plaque et forme un cylindre initial de verre “a fili” dont il maintient l’extrémité avec des ciseaux à anse. Il imprime ensuite à sa canne à l’opposé un mouvement de rotation, façonnant ainsi des lignes parallèles spiralées dans un sens donné, puis il ouvre ce cylindre en tulipe. Pendant ce temps un assistant aura préparé une seconde plaque de baguettes identique que vient prélever un deuxième verrier ; ce dernier façonne un deuxième cylindre de verre plus étroit que le premier, spiralé en sens inverse, qu’il vient insérer du bout de sa canne dans le premier cylindre obtenu et maintenu à une température proche de l’amollissement dans un moule puis il souffle rapidement cette pièce afin qu’elle adhère à la paroi interne du premier cylindre. De minuscules bulles d’air subsistent entre les mailles du filet des “cannes”, qui semble s’entrecroiser, comme les brins d’osier d’une vannerie.
Historique de la technique
Ces techniques raffinées et luxueuses du verre vénitien sont apparues à la Renaissance, dans le courant du XVI° siècle, du premier quart du siècle au dernier quart, selon leur degré de complexité . Elles pouvaient être associées à l’insertion de feuilles d’or ainsi qu’ au moulage et aux applications, donnant ainsi lieu à une production précieuse, d’une infinie variété décorative. Les cours princières témoignèrent d’un vif engouement pour les pièces splendides réalisées à Venise et elles encouragèrent l’arrivée d’ artisans vénitiens.Les multiples catégories de verre filigrané se sont rapidement répandues en Europe du Nord, au XVII° siècle, entraînant toute une production de pièces “façon Venise”, notamment aux Pays Bas.
Depuis, le verre filigrané n’a jamais cessé d’avoir la faveur des verriers au cours des siècles, mais il faut signaler au XIX° siècle le regain important de sa production à Murano, sous l’impulsion de Domenico Bussolin, suivi de Pietro Bigaglia, et d’Antonio Salviati. Dans les années 50, les oeuvres pures d’Archimède Seguso portent cet art à des sommets d’invention et de poésie, “a mezza filigrana”, “a filo verticale”,“a merletto”, “a piume”, “a filigrana stellata”...
Actualité
Le maestro Lino Tagliapietra perpétue et transcende la grande tradition vénitienne dans des œuvres d’une suprême élégance, quasi picturale, comme “Concerto di primavera” en 2000, tandis que le verrier américain Richard Marquis la vivifie en soufflant des pièces d’une étourdissante fantaisie, comme la série des “Teapots goblets” , de 1989 à1994, empreinte d’un humour parodique.
Verriers
References bibliographiques
BAROVIER Marina, DORIGATO Attilia, “Il vetro di Murano alle biennali 1895-1972”,Leonardo Arte, Milano, 1995
DORIGATO Attilia, “Murano Glass Museum”, Edizioni Electa, Milano, 1986