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Baccarat : rencontres avec le design
Par Mireille Mazet, historienne de l'art


En 2003,  Baccarat a choisi de faire de l’hôtel particulier du 11 Place des Etats-Unis à Paris, demeure fastueuse où vécut Marie-Laure de Noailles, l’écrin de sa marque, regroupant en un même lieu musée restaurant, boutique et bureaux.

C’est Philippe Starck, star internationale du design, connu pour son goût du spectacle et de la provocation, qui s’est vu confier la décoration de ce superbe espace où subsistait la mémoire des fêtes et des bals donnés en l’honneur de ses invités par la vicomtesse, mêlant à ses relations mondaines ses amis artistes dont elle  était à la fois muse et mécène. Le turbulent  designer s’est pris au jeu de cette commande avec son immense talent et sa vaste culture de l’objet.

Rappelons que Marie-Laure de Noailles, peintre et écrivain elle-même, a financé « L’Age d’or » de Luis Bunuel, « Le Sang d’un poète de Jean Cocteau et « Les Mystères du Château du Dé » de Man Ray. Elle a collectionné Mondrian, Dali à ses débuts, et lancé Mallet-Stevens qui a conçu pour elle et son époux Charles une villa d’une architecture avant-gardiste à Hyères.

Sorte de Belle au Bois Dormant, corsetée dans sa tradition, froide beauté lointaine dans l’imaginaire du public, Baccarat s’est réveillée dans un véritable palais de cristal onirique et luxueux, en adéquation avec notre époque, ouvert sur une nouvelle clientèle aimantée par la magie de son décor ébouriffant.

Après un hall d’entrée initiatique, évoquant la symbolique du cristal et de son travail-feu des cheminées plaquées de miroirs, eau de l’aquarium où baigne un gigantesque lustre-, sans oublier le clin d’œil surréaliste à Cocteau,-le bras de lumière, torchère brandie hors d’un pan de glace,- nous accédons au pied de l’escalier monumental, dans une semi pénombre où nous surprend une chaise de cristal géante, tandis qu’un tapis scintillant de fibres optiques nous invite à gravir les marches vers un lustre étincelant de mille feux.

Grande Chaise
Cette chaise ce n’est pas la prosaïque « Marie » en altuglass éditée chez Kartell, c’est un trône pour Alice au Pays des Merveilles, passée de l’autre côté du miroir. Rappel saisissant de cette « Folie des grandeurs » si caractéristique des pièces légendaires qui furent commandées à Baccarat au XIX ème siècle, pièces muséales aujourd’hui, comme le mobilier dit « Ferrières » (du nom du château des Rotschild), type de mobilier féérique fort prisé des maharadjahs et livré jusqu’en Inde à dos d’éléphant.

Boutique-Home
Boutique au rez-de-chaussée où contrastent et s’harmonisent les murs gris, au béton « graffité » et le mobilier sophistiqué, argenté, miroitant. Sur la gigantesque table dressoir de  huit mètres de long, sont présentés de précieux verres rouge rubis, évoquant la « germination » de l’or au sein de la matière (Pourpre de Cassius, nom antique de la coloration avec des sels d’or).

Le Restaurant-Cristal-Room
Contraste percutant entre le luxe des luminaires et l’aspect « trash » des murs décrépis, pour un effet « glamour » savamment calculé.

Le coup d’éclat de Philippe Starck, et sa réussite incontestable relayée par les médias, ne doivent pas nous faire oublier que la création et le design ont toujours fait partie des buts de la manufacture durant une bonne part du XXème siècle, même si les réalisations novatrices furent un temps moins mises en exergue que le patrimoine XIXème, avec ses verres impeccablement et richement taillés, et ses lustres à pampilles, pendeloques, prismes, clochetons, destinés à une clientèle fortunée et conservatrice dans ses goûts.

Georges Chevalier
Avant d’évoquer les quinze dernières années de création de la cristallerie, il faut effectuer un retour en arrière pour ranimer la mémoire des figures fondatrices de la modernité chez Baccarat, en particulier celle de Georges Chevalier (1894-1987).
Directeur artistique de la firme, Chevalier a eu une influence capitale sur la production de Baccarat des années 20-30 jusqu’aux années 70, respectant le patrimoine traditionnel de la manufacture tout en l’inscrivant dans la modernité. Créateur prolifique et talentueux de services de verres, de vases et de sculptures animalières, Chevalier a fait partie de la Société des Artistes Décorateurs, intéressée par les liens entre l’art, l’artisanat et l’industrie.

Seau « Femme dans un hamac » 1929 (Réédition « La Sieste », H18 cm D 19,5)
Cristal clair soufflé et gravé à  la roue .
Pureté de la forme (gobelet géant), qui met en valeur la scène gravée. Scène hédoniste, quasi « matissienne ». Luxe,calme et volupté. A comparer avec une pièce contemporaine d’Orrefors, manufacture qui a, dès le début du XXème siècle, fait appel à des artistes pour rénover la création dans le verre. Bol et Plat en cristal gravé d’Edvard Hald, « Jeunes filles jouant à la balle ».

Vase 1930
Cristal soufflé moulé et taillé à larges facettes
Lignes pures, massivité, la matière transparente est privilégiée, mise en valeur par le travail de la taille. Réinterprétation art déco de la tradition. Similitudes formelles avec d’autres créateurs verriers de l’époque comme Aristide Colotte.

Service Maladetta 1946
Cristal taillé, métal argenté
Service de table complet, composé de verres, d’assiettes et de couverts en cristal; il existe également un candélabre assorti.
Service  massif et élégant au dessin très géométrique, cercle dans le carré, ensemble novateur. Les verres ont un pied lourd qui permettait, semble-t-il, de résister  au tangage des yachts. (Le service de verres  est aujourd’hui réédité).

Les années 60-70,  fin du long règne de Georges Chevalier, voient le triomphe du design scandinave et italien.  C’est  donc après un certain temps de latence et de frilosité que la manufacture réagit  à la nouveauté et se met au diapason de la création verrière nouvelle. Parallèlement   à la présence d’ un créateur-maison, sorte de chef d’orchestre, et d’une équipe interne de concepteurs de modèles, Baccarat va solliciter ponctuellement des artistes ou designers extérieurs, pour des expériences uniques ou des collaborations temporaires.

Robert Rigot  (né en 1929)

Service de verres  « Bouquet » 1971
Bourguignon, sculpteur, Grand Prix de Rome, il intervient à Baccarat pour des sculptures, notamment animalières et dessine ce service de fleurs de verre. Leur silhouette élancée offre des réminiscences du design scandinave, tels ces « Tulpenglas », verres tulipes de Nils Landberg pour Orrefors, réalisés en 1954 . Intérêt  de l’utilisation de la couleur qui effectue un retour remarquable sur l’avant-scène de Baccarat, avec une palette qui tranche avec la souveraineté du cristal clair. Notons que, grâce aux progrès de la chimie, la palette chromatique  de la cristallerie n’a cessé de s’enrichir depuis 1840.  Cette résurgence de la couleur va s’affirmer dans les années 90, surtout  par le biais des bijoux. 

Pour  mémoire :
- Bleu céleste / oxyde de cuivre
- Bleu outremer / oxyde de cobalt
- Rose et rouge / précipitations de sels d’or mélangés à de l’étain
- Vert émeraude / oxyde de fer
- Vert perroquet /  oxyde d’urane+ oxyde de cuivre
- Pivoine/ oxyde de manganèse +or
- Noir/ oxyde de manganèse+bleu+ divers oxydes
- Composition du cristal de Baccarat : sable de Belgique+minium de plomb jusqu’à 30 pour cent + potasse (provenant à l’origine d’Alsace, mais plus à présent)

Roberto  Sambonet, né en 1924 en Italie
Architecte,  artiste-peintre, designer, auteur de bijoux pour Tiffany et de porcelaines pour Bing et Grondhal (Danemark) et pour Richard Ginori( Italie). Il travaille pour Baccarat comme créateur et conseiller artistique de 1971 à 1982.

Vase « Angles »
Cristal clair, soufflé-moulé  à l’air comprimé, puis retaillé.
Réflexion sur les rythmes et progressions produits par la juxtaposition des pièces dans l’espace. Dérivation d’objets comme le vase « Flower » du designer et architecte finlandais Alvar Aalto qui se prête également à l’imbrication de formes d’échelle différentes, mais là de formes arrondies et non angulaires .

Bol à caviar  « Vésuve » 1972
Forme pure, harmonieuse, évocatrice des paysages de sa Méditerranée natale, fournissant l’inspiration de formes archétypes. Caviar, lave précieuse dans un cratère de cristal.

Van  Day Truex
Designer  américain

Carafe « Dionysios » 1974
Economie des lignes inspirées du dessin d’une  bouteille de Bordeaux. Le patrimoine de Baccarat est aujourd’hui revisité au travers de rééditions comme la carafe « H2O, » gravée ici d’une légère dentelle, et qui n’a rien perdu de son élégance simplissime.

Les années 80-90 marquent quant à elles un tournant pour Baccarat, avec le départ à la retraite de  René de Chambrun et l’arrivée d’Anne-Claire Taittinger qui devient président de la compagnie en 1994,  à la suite de son père Jean. Ces années voient également l’arrivée,  en 1982,  d’un jeune créateur,  Thomas Bastide.

Thomas Bastide né en 1954
Diplômé de l’E.N.S. des Arts appliqués et des Métiers d’Art. Il a travaillé aux côtés de Raymond Loewy . Il s’est intéressé au verre dès son plus jeune âge, fasciné par un sculpteur et vitrailliste qui faisait croire à l’enfant qu’il y avait une mine de verre dans son jardin. En 1982, il entre chez Baccarat pour créer services de verre et sculptures puis devient designer intégré au service de création. En 1989, il obtient avec la collection « Neptune »   l’International Table Top Award. Par ailleurs, il parfait son expérience du verre au CIRVA, à Marseille,  et à la Pilchuck School, à Seatttle.

Vase « Océanie »1993
Cristal clair soufflé dans un moule et base retaillée, cabochons millefiori.
Evocation  des coraux, des madrépores, l’essaim des îles dans le Pacifique ?

Vase « Océanie » 2004
Cristal doublé, de divers coloris,  rouge rubis, bleu outremer, vert émeraude. Déclinaison  du modèle précédent. Ces pièces lourdes sont réalisées par les verriers que l’on appelle « les gros bras », et durant la nuit, afin que les souffleurs puissent disposer de plus de place pour évoluer à l’aise.

Service Bar « Equinoxe »
Flacon et verre à whisky  à décoration gravée de « pontils ».

Déclic novateur des années 90 avec la participation d’Andrée Putman en 1993, Savinel et Rozé en 1995, de Mathias en 1996 qui inaugure les débuts de la collection « Rencontres ».

Andrée Putman
Porte-photo, 1993
Baccarat réalise avec la célèbre décoratrice et architecte d’intérieur une ligne de mobilier, intitulée « Pampilles »,  qui  tente de renouveler le secteur traditionnel de la lustrerie. Putman joue   sur le contraste  entre l’extrême austérité des formes, leur dessin usuel voire prosaïque et la richesse intrinsèque du matériau, créant un mélange séduisant de  minimalisme et de luxe.  Radicalisme de sa démarche.

Suspension
Système monte et baisse réinterprété, pastiché, avec la boule de cristal bullé…

Lampadaire
Véritable épure de lampadaire qui nous rappelle  que Putman a réédité,  pour Ecart International,  des modèles Art Déco très modernistes qu’elle a fait connaître au grand public.

Lampe de chevet
Abat -jour ajouré en métal qui contraste avec la préciosité du cristal.

En 1996 est lancée la collection « Rencontres », qui a pour objectif de créer des pièces de prestige en mettant à la disposition de créateurs extérieurs le fabuleux patrimoine technique de Baccarat, et son élite de Meilleurs Ouvriers de France.

Le premier créateur invité sera Mathias qui, par la suite, prolongera sa collaboration avec la marque avec des productions de série.

Mathias,  créateur autodidacte et éclectique qui s’intéresse à divers domaines de la décoration, créant des miroirs, des faïences, des paravents, des bougeoirs …En 1972 il fonde « Création Mathias » et sera sollicité pour travailler avec Baccarat, Molin, Point à la ligne, Sedap.

« Schéhérazade »
Cristal bleu soufflé sur cristal clair, martelé, taillé,  rehaussé d’or peint à la main
H.50 cm ;édition limitée 12 exemplaires
Pièce opulente,  au décor de motifs en amande, d’où émane toute la magie du conte oriental. Mathias qui a vécu très jeune en Syrie et en Turquie, puise dans ses souvenirs d’enfance qui nourrissent son imaginaire. Cette création revisite l’histoire du verre, aux origines liées au Moyen Orient, renouant avec l’exotisme des riches décors rehaussés d’or.

« Lucrèce »
Cristal soufflé,  inclusion de baguettes de millefiori, rehauts peints à l’or
H.30 cm ;  édition limitée à 25 exemplaires
Mathias fait ici revivre les fastes de la Renaissance italienne, et les célèbres coupes de Murano. Les perles de millefiori semblent être les fruits d’un arbre imaginaire, aux gracieuses branches d’or.  Exaltation du savoir-faire des graveurs, des tailleurs pour Schéhérazade et des souffleurs, émailleurs pour Lucrèce.  Ces pièces exceptionnelles témoignent que le designer se trouve en phase avec la tradition du Verre, et l’histoire de ses hauts lieux de création, l’Orient et Venise.
L’histoire de Schérérazade se poursuivra d’une certaine manière quatre ans plus tard, par la collection de luminaires « Mille Nuits ».

Lustre « Mille Nuits » 1999-2000
Après Andrée Putman, Mathias revoit le répertoire des luminaires de Baccarat, et le modernise subtilement. S’il conserve le nombre usuel de lumières, 6, 8, 12, 18, 24, 36, 42, il les équipe d’halogènes en basse tension, simplifiant les éléments de base tels que les branches, les pampilles, les verrines, résolvant les problèmes de surchauffe du cristal et créant une nouvelle brillance de la matière. Suivront appliques et candélabres.
« Mille Nuits » est devenue l’un des grands succès commerciaux de Baccarat et en 2003, elle s’est vue complétée par une collection d’assiettes, de verres et de petits bougeoirs de table.

Savinel et Rozé
Tandem de designers qui ont été formés à l’Ecole des Arts Appliqués, et travaillent souvent avec des architectes. Leur collaboration avec Baccarat se prolongera jusqu’à nos jours, les faisant passer de l’art de la table au luminaire, pour finir par le bijou, domaine que nous verrons ultérieurement.
On voit dès lors s’esquisser des statuts et des parcours divers dans la relation des designers avec Baccarat.

Service « Vega » 1995
Service de verres qui connaît un immense succès. Jambe à multiples boutons qui rénove la forme traditionnelle du verre à pied. Pied loupe, et jambe au schéma de colonne sans fin. Ces verres sont de la même époque que ceux du service « Bubbles » chez Saint Louis, à jambe constituée de sphères superposées. Expérimentation  et extension de la couleur dans les services de verre, parallèlement à la couleur dans la gamme des bijoux.

Lustre « Plumes » 2002
Modernité  affirmée de ce lustre aux branches de métal apparentes. Pour cacher les ampoules, de simples clochettes en verre blanc sablé, très léger, tandis que les pampilles de cristal traditionnelles, adoptant une forme fuselée, viennent  simplement s’accrocher aux branches du lustre. Elles permettent de le personnaliser par le choix de la couleur, rouge, améthyste, ambre, et peuvent être multipliées à volonté. Avec ce luminaire dont le souffle de l’air fait s’ébrouer les plumes de cristal, Savinel et Rozé créent une sorte d’épure dont le nom métaphorique souligne la poésie.

Jean Boggio
Rencontre 1998
Créateur de bijoux, de services d’orfèvrerie, décorateur pour porcelaines de Haviland ou faïences de Longwy. Son travail ludique, baroque est axé sur l’univers de la  fête, du théâtre, de l’illusion, du carnaval.
Sa collection de sept modèles s’intitule « Mascarade ». Elle mêle cristal et bronze, ressuscitant un style « néo-rococo » surprenant.

« Jazz band à Juan-les-Pins »
Centre de table gravé à la roue et au stylet sur du cristal doublé bleu, rehauts peints à l’or. Bronze doré et ciselé
H. 32 cm ;L 38,5 cm ;édition limitée à 35 exemplaires

« Songe d’une nuit d’été »
Encrier en cristal clair gravé à la roue ;  bouchon de bronze doré et ciselé. 
H.16 cm ; D.16cm ; édition limitée à 75 exemplaires
Puck le lutin contrarie les amours en usant de ses philtres magiques.  Lysandre, victime de ses sortilèges, erre dans la forêt mystérieuse et rencontre de bien étranges personnages, tandis que Titania la fée emplit la nuit de ses vocalises.
Travail dans la tradition des pièces du XIXème , comme le fameux Vase Simon,  phare de l’Expo Universelle de 1867, Allégorie de l’Eau et Allégorie de la Terre, d’après Natoire.

Serge Mansau
Rencontre 1998 avec les Meilleurs « Oeuvriers » de France, comme l’artiste les baptise affectueusement. Mansau est un grand créateur verrier, connu pour ses nombreux et célèbres flacons de parfum pour l’industrie ( Montana, Kenzo…),  mais également pour des superbes flacons en cristal soufflé et taillé pour l’Eau de Saint Louis, en édition limitée, en 1992-93. Pour Baccarat il a dessiné « Parfum de femme » de Caron en édition limitée,  en 2003. Par ailleurs,  il poursuit une carrière d’artiste verrier de grand renom.

« Héliotrope »
H.60cm, D.34cm ; édition limitée à 12 exemplaires
Cristal taillé, motif de papillon gravé à la roue,  garniture métallique en bronze nickelé
Délaissé par son divin amant, le soleil, Clytia se transforme en héliotrope.  Le créateur lui dédie cette étincelante fleur  de cristal.

« Graal »
H.38 cm,D.19 cm,cristal taillé, papillon gravé à la roue, bronze nickelé
Calice merveilleux  pour « apprivoiser la lumière »  du cristal, comme l’artiste souhaite le faire dans ses créations. Serge Mansau développe pour Baccarat une thématique liée à la nature, qui lui est chère. Voir une de ses sculptures en verre soufflé et métal oxydé, datée de 1995, et intitulée « Germes d’eau ».

Catherine Chaillou
Rencontre 2000,présentée comme un hommage à l’Ecole de Nancy et aux maîtres de l’Art Nouveau. Catherine Chaillou est sculpteur animalier et céramiste.

« Pics noirs »
H. 28 cm ; L.46 cm, édition limitée à 25 exemplaires
Grande coupe en cristal soufflé doublé rouge sur clair, gravé à la roue et dépoli au jet de sable pics en cristal noir sculptés à chaud et taillés, crête peinte à l’émail rouge
Fameux rouge à l’or mis au point par Baccarat dès 1830, branchages dégagés à la roue.Si cette pièce évoque par sa facture, le répertoire décoratif de l’ Art Déco, elle rappelle également la grande tradition de l’art animalier développée par Baccarat dès l’Expo Universelle de 1878.

« Nid de guêpes »
H.16,5 cm ; d. 30 cm, édition limitée à 50 exemplaires, 3 couleurs, améthyste, clair, jaune paille, cristal soufflé, décor « Juvisy » taillé à la roue, guêpes gravées à la roue, pied taillé  à larges côtes.
Le décor « Juvisy » apparaît en 1867 pour un service de verres présenté à l’Exposition Universelle. Décor richement taillé, véritable piège à lumière.

Ettore Sottsass
Rencontre 2002.
 Architecte et designer né en 1917. En 1958, création de la machine à écrire « Valentine » pour Olivetti. En 1981, il crée le groupe « Memphis », symbole du new design qui marque l’abandon d’un design radical exclusivement soucieux de fonctionnalisme pour réintroduire de l’imaginaire, du symbolique, du ludique dans l’objet.
Le choix d’Ettore Sottsass, déjà lié au monde du verre, a fait l’unanimité au sein de Baccarat. Habitué au verre, il a déjà conçu des pièces pour les grandes firmes vénitiennes, comme Vistosi, Toso, Venini, Cenedese. Pour éclairer sa démarche lors  de son exceptionnelle rencontre avec le cristal, il écrit une magnifique profession de foi qui démontre son exigence artistique. Il crée 10 modèles aux lignes architecturales et aux titres inspirés par l’antique civilisation mésopotamienne.

« Enki »
Vase sur socle en cristal vert (ou bleu)
H.30 cm ; D 8,2 cm ; édition limitée à 49 exemplaires,
Vase cornet aux arêtes pures.

« Nusku »
Bougeoir
Cristal vert ou cristal améthyste doublé cristal clair
H. 26,5 cm; D. 0,7 cm ; édition limitée à 49 exemplaires
Le travail de taille met singulièrement en valeur le doublage du cristal.

« Assur »
Coupe en cristal noir, taille horizontale, pied en cristal clair
H.33 cm ; D. 33,5 cm Pièce très monumentale, aux lignes puissantes et austères, qui allie plusieurs tours de force technique tant au niveau du soufflage que de la taille. Le cristal noir, souvent porteur de bulles dans la masse, occasionne des problèmes au moment de la taille qui révèle les imperfections.
Pour comparer le travail du verre à celui du cristal, on peut faire référence à la pièce « Sol » de la période Memphis qui illustre l’écart entre les deux matériaux et leur spécificité esthétique dont Sottsass a particulièrement bien tiré parti.

William Sawaya
Rencontre 2004
Architecte, né à Beyrouth au Liban, en 1948. Quitte le Liban en 1973 pour Paris et Milan. Interessé par l’architecture intérieure et le design, mais pas par le design industriel au départ. En 1978, il crée la société Sawaya et Moroni avec Paolo Moroni, en Italie. Designer rigoureux et modeste,  qui travaille en collaboration avec d’autres architectes comme Zaha Hadid ou Dominique Perrault..
Pour Baccarat, il conçoit une série de 7 pièces inspirées par  les places emblématiques de villes célèbres, dessinant une collection volontairement hétérogène sur un plan stylistique. Chaque place revêt son identité propre, catalysant des imaginaires divers.

« Piazza  San Marco »
Vase-bougeoir réversible en cristal taillé clair ;  bobèches en argent amovibles.
Edition limitée à 12 exemplaires
H.17,5 cm ; L.24 cm
Le designer réunit l’argent et le cristal, matériaux nobles et précieux, générant une exceptionnelle luminosité. Evocation luxueuse de l’atmosphère de Venise.

William Sawaya, tout comme Sottsass, a travaillé pour Murano dans les années 90, ce qui lui permet une réflexion approfondie sur le cristal. Citons ses propres paroles : «  Dans sa forme et dans sa technique, l’approche du verre de Murano est très différente de celle du cristal de Baccarat. Il est plus riche en silice et en phosphate, plus approprié à un travail verrier d’une grande liberté, souvent plus surprenant dans ses réalisations, mais d’un aspect beaucoup moins brillant et moins prestigieux ; le cristal, soufflé dans des moules, est plus riche en plomb, avec des temps de refroidissement plus courts et plus contraignants. En revanche sa pureté est presque absolue et sa capacité à capter la lumière illimitée. »

« Sahtel Bourj »
Vase en cristal clair, épines en cristal rouge, figues de barbarie en cristal vert, ou l’inverse
12 exemplaires
H. 50 cm ; L. 19cm
Pièce spectaculaire, à la fois ludique et extrêmement sophistiquée. Elle symbolise la fameuse Place des Canons ou Place des Martyrs de Beyrouth.
 On peut rapprocher cette création  à la fois des cactus californiens de Mac Connico pour Daum, et de la pièce de Serge Mansau vue précédemment, plus haut,  « Héliotrope ».
De même ont peut comparer ces  places de cristal architecturé dans un matériau prestigieux avec un vase soufflé à Murano en 1994, témoignant d’une esthétique évidemment plus souple.

Philippe Starck
Chargé en 2003 de la décoration de l’hôtel de Noailles, il va proposer à Baccarat de revivifier son répertoire traditionnel en remettant à l’honneur   le cristal noir, ponctuellement utilisé par le passé et abordé lors de rencontres exceptionnelles plus récentes, par exemple par Sottsass avec sa coupe Assur.

« Lustre Zénith » 2003
Cristal noir
 Modèle de style Napoléon III, muni d’un éclairage traditionnel. A l’origine, ce lustre a été installé pour décorer et éclairer un salon rose au mobilier noir,  situé à l’intérieur du Cristal-room, sorte de boudoir destiné à des réceptions intimistes en petit comité . La novation réside exclusivement dans le choix paradoxal du coloris. Dès l’inauguration de l’hôtel de Noailles rénové, ce lustre a connu un succès immédiat.

« Un parfait » 2005
Reprise du modèle Harcourt, emblème de Baccarat, en cristal noir, qui fait partie de la collection Darkside, collection de Starck au titre choisi en référence à l’album des Pink Floyd, « Darkside of the moon ».
Série de 6 verres noir , présentés dans un coffret où s’inscrit comme un défi la belle devise de Jean Cocteau,  «  A l’impossible, je suis tenu ». La petite histoire veut que lorsque Starck a décidé d’utiliser du cristal noir, les ateliers réticents aient fait valoir qu’il y aurait trop de rebuts. Effectivement la coloration noire engendre des bulles dans la masse du matériau, bulles qui apparaissent inopportunément au moment de la taille. A la question du designer concernant le pourcentage de verres conformes réalisables, il lui aurait été répondu, 1 pour 6. D’où la parade astucieuse du créateur obstiné qui a transformé le défaut en mérite, avec cette édition numérotée, signée, distinguant le verre « parfait » des 5 autres « imparfaits ».

« Verre Aïe », qui évoque le choc des météorites.
L.Z.C 2004
Vanessa Lambert, Barbara Zorn, Michaël Cailloux. Groupe de jeunes créateurs issus de l’Ecole nationale des Arts appliqués Duperré.
Collection « Poetic Garden », comprenant neuf vases et deux gobelets,
Contrepoint multicolore à Darkside de Starck, qui montre comment de jeunes designers  du XXI ème siècle réhabilitent sans complexes l’univers de la nature, avec une palette acidulée d’émaux rose, anis, violet , parme, dans l’esprit décalé des années « power-flower ».

« Vase » glycine ou arc-en-ciel, existant en trois tailles.
 Créations pleines de fraîcheur et de fantaisie.

LES BIJOUX et LE DESIGN
Actuellement les bijoux représentent le succès commercial de Baccarat le plus spectaculaire. Voici quelques dates pour jalonner l’histoire de cet essor récent. C’est en 1994 que sera présentée la première collection de bijoux de la marque. En 1997 apparaîtront les premiers bijoux montés sur or, et en 2000 ce sera le lancement des « Précieux », bijoux en cristal constellés de diamants ou de pierres fines.
Signalons que si Baccarat a produit quelques bijoux de cristal sur l’impulsion de Gorges Chevalier, cette production n’a jamais été le fer de lance de la marque comme elle a pu l’être chez René Lalique dans les années 25-30.
Par ailleurs, le retour du bijou de verre avait été initié au début des années 90 par d’autres manufacturiers comme Lalique précisément et comme Daum, avec en particulier quelques belles créations en pâte de verre d’Hilton Mac Connico.
Chez Baccarat, le bijou va fournir l’occasion  d’expérimenter la couleur, par le biais de petites pièces.

« Croix occitane » 1994
Thomas Bastide, designer maison,  redessine un bijou ancien remis à la mode à cette époque par le couturier Christian Lacroix, dans ses collections de prêt à porter et de bijoux fantaisie. La croix arlésienne devient son emblème. 

« Guet-apens » 2001
Même croix qui évolue vers la joaillerie, avec le serti de diamants.

« Galet » 2001
Thomas Bastide évoque la mémoire minérale du cristal, avec cette création formellement très pure et qu’il va faire évoluer de manière intéressante. Sensualité et simplicité.

« Galet »
Collier-torque en argent. Déclinaison du thème.

« Galet » 2004
Sautoir qui mêle aigues-marines brutes et cristal clair. Jeux de matières et de lumières différentes. Sophistication et raffinement.

Autre gamme de bijoux, la gamme « Tentation », création maison au départ, sur le thème simple de la perle de cristal, signée de 1999.
Après avoir été unique, en sautoir une perle, le collier s’enrichit avec « Tentation » six perles. Puis le thème est retravaillé récemment par le designer Philippe Airaud qui monte la perle de cristal sur des cônes d’or ou d’argent et lui oppose du quartz rutile pailleté de noir ou d’or. La perle s’anoblit.

« Tentation duo »
Contraste et dialogue du cristal et des pierres dures.
Parallèlement à cette production, Baccarat va proposer des créations en édition limitée, qui lui permettent d’avancer dans ses recherches.

« Collier Nazca » 1997
Œuvre du créateur Laurent Guillot
Jalon important dans l’histoire du bijou de Baccarat.au nom évocateur d’un des sites les plus insolites du Pérou ainsi que d’une aire de la civilisation précolombienne. Le sertissage des motifs de cristal clair sur or illustre la volonté chez Baccarat de s’engager dans la voie de la joaillerie que la collection « Les Précieux » confirmera. Pièce somptueuse qui semble transposer avec élégance les pectoraux en tubes de jadéite des Indiens. Matière transparente qui privilégie l’aspect cristal de roche des éléments.

Rencontre 2002 avec Sofia Vari, sculpteur, épouse du peintre Botéro.
« Asclépios » 2002
Pendentif et broche
Cristal clair et or

« Antiope » 2002, pendentif-broche
La créatrice conçoit des bijoux qui sont en fait des sculptures miniatures portables, broche et pendentif à la fois,  accompagnés des  boucles d’oreilles assorties.
Ce travail, comme elle l’explique, s’inscrit en continuité avec sa démarche de sculpteur. « Même composition de volumes, même rythme et même harmonie que ceux exprimés à travers mes sculptures, qu’il s’agisse de bois d’ébène, de marbre, d’argent ou d’or, avec en plus les horizons passionnants et inattendus de la luminosité, de l’éclat des couleurs, des différentes transparences obligeant à des solutions qui aboutissent à de nouvelles compositions dont je souligne le rythme avec l’or. »

« Montre B on Time » 2002

« Le temps mis en lumière »
Avec sa ligne galbée, son remontoir au dos du boîtier, cette création commune aux artisans de Baccarat et aux horlogers suisses témoigne d’un design élégant que viennent mettre en valeur 15 nuances de cristal et 32 bracelets interchangeables . Le noir est obtenu avec un mélange de chrome et de manganèse.

Sensibles à l’air du temps, les cristalleries viennent de lancer une première collection de bijoux pour hommes pour 2005-2006. Les designers contactés, habitués à divers domaines chez Baccarat,  se  sont pris au jeu.

 « Y » dessiné par Yves Savinel et Gilles Rozé, les créateurs du lustre « Plumes » .
Bijou symbolique avec la convergence et la divergence de ses bras

« Tribal », de Philippe Airaud, inspiré par la dent de squale , traitée en cristal clair, onyx ou rubis et montée sur argent.

Enfin le « Galet » de Thomas Bastide en version miniature, comme un sobre gri-gri.

SACS-BIJOUX

C’est à Renaud Pellegrino, créateur couture chez Saint-Laurent pendant dix ans, que Baccarat a fait appel pour décliner une collection de sacs du soir, sacs précieux qui complètent les parures de bijoux et où le fermoir est ponctué de cristal .

« Sac Bohême » satin gris et cristal clair ;

« Sac Schéhérazade » satin crème et vert, cristal olivine en harmonie avec le pompon de passementerie apparu en 2002.

LES FLACONS de PARFUM
Baccarat a longtemps édité pour les parfumeurs des flacons sophistiqués, tout au long du XXème siècle. Pour mémoire citons pour Guerlain « Mitsouko », « Shalimar », « Jicky », pour Dior « Miss Dior », « Diorama », pour Paco Rabanne, « Calandre »… Mais après la fin des années 40, le cristal a été supplanté par le verre industriel ; aussi Baccarat ne travaille à l’heure actuelle que pour quelques commandes de prestige, comme « V’e » de Versace par Thierry Lecoule ou l’édition en série limitée pour Claude Montana de « Parfum de peau »  en cristal bleu cobalt et cristal clair en 1996. Une trilogie de parfums  intitulée « Les contes d’ailleurs », met en exergue , à l’instar de la collection « Rencontres », la palette remarquable des techniques de Baccarat, avec des jus également signés Baccarat, contenus dans de précieux flacons au titre évocateur : « Nuit étoilée au Bengale » 1997, « Les Larmes sacrées de Thèbes » 1998, « Un certain été à Livadia » 1999.

CONCLUSION
« Au fond, tout est design, c’est une fatalité », a pu dire, non sans humour, Ettore Sottsass.
Pour illustrer notre conclusion, il s’impose de montrer les toutes récentes interprétations du verre  Harcourt, propositions de jeunes designers, irrévérencieux et imaginatifs qui, en revisitant le modèle emblématique et classique de Baccarat, créé en 1841, avec ses larges côtes plates, témoignent de cette extraordinaire capacité de la marque à susciter et à stimuler la création.

Variations sur un même Harcourt, ludiques et désopilantes  parfois.

Harcourt revu par  Tsé Tsé,avec squelette, empreintes de doigt, toiles d’araignée, 2002.

Harcourt dInge Sempé, transformé en bougeoir, 2002.

Harcourt métamorphosé en garniture de toilette, par Vincent Dupont-Rougier en 2002, pour un vaporisateur et une boîte à poudre.

Harcourt drapé de noir pour Philippe Starck en 2005.

Cette année, lors des Designer’s Days, , Baccarat a présenté à l’hôtel de Noailles la collection de Starck dans une scénographie de Marianne Guély, qui  faisait usage  de décors de papier noir découpé. On avait imaginé une  scène de ménage entre la Belle et la Bête. La collection « Darkside » était proposée sur des blocs de cristal dispersés dans un champ d’herbes noires  et de ronces de papier. Le travail de Starck a réussi à opérer une osmose  entre la marque et le lieu, s’inscrivant à la fois dans l’histoire de ce lieu et dans celle du cristal.

 Pour cet anniversaire nancéien du Temps des Lumières, il est singulier de noter ce regain d’intérêt autour du conte écrit par Madame Leprince de Beaumont précisément en 1757,  conte déjà interprété par Jean Cocteau en 1946,  et devenu source actuelle d’inspiration pour un ogre sympathique du design, en phase avec son époque.

« Hell » 2005
Presse-papiers, qui associe le verre Harcourt et un bloc de cristal brut, travaillé au burin, soudés à chaud.
« Hell » évoque l’activité souterraine et volcanique, le magma, la matière en fusion d’où surgit la matière domptée par la main de l’homme. Beau symbole.

Voir aussi les dossiers documentaires :
- "La stratégie commerciale de Baccarat depuis 1994", par Roland Saget, directeur marketing de la cristallerie de Baccarat
- "Image de marque : le verre Harcourt de Baccarat", par Manuel Fadat
- "Les métamorphoses d’Harcourt : Harcourt à l’heure des designers contemporains", par Manuel Fadat